Du Droit d'auteur au Gauche d'auteur, une définition du logiciel libre du type « GPL »

Ce petit essai a pour ambition de présenter le gauche d'auteur, de manière didactique. Après un bref rappel sur les droits d'auteur, nous chercherons à « simuler » un régime où les droits d'auteur « n'existent pas », et qui se construira sur les bases légales du droit d'auteur ! Puis nous envisagerons les possibilités offertes par ce système.

1. Les droits d'auteurs et les licences d'utilisation

Dans la plupart des pays existe une législation définissant le concept de propriété intellectuelle. Pour mettre en place une telle législation, on définit légalement l'idée d'œuvre de l'esprit. Toute personne créant une telle œuvre se voit réservé un certain nombre de droits sur celle-ci.

Cette personne peut céder certains de ces droits, gratuitement ou non, sous la forme d'une licence d'utilisation. Ainsi, quand vous achetez un logiciel ou un livre, vous achetez un objet physique qui est le support d'une œuvre de l'esprit, mais également certains droits d'utilisation sur cette œuvre.

Par défaut, vous n'avez aucun droit sur une œuvre de l'esprit dont vous n'êtes pas l'auteur, à l'exception de ceux qui vous sont garanti par la loi. À titre d'exemple, tiré de la législation française :

C. prop. intellect., Art. L. 211-3 : Les bénéficiaires des droits ouverts au présent titre ne peuvent interdire :

1° Les représentations privées et gratuites effectuées exclusivement dans un cercle de famille ;

2° Les reproductions strictement réservées à l'usage privé de la personne qui les réalise et non destinées à une utilisation collective ;

3° Sous réserve d'éléments suffisants d'identification de la source :

- les analyses et courtes citations justifiées par le caractères critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d'information de l'œuvre à laquelle elles sont incorporées ;

- les revues de presse ;

- la diffusion, même intégrale, à titre d'information d'actualité, des discours destinés au public dans les assemblées politiques, administratives, judiciaires ou académiques, ainsi que dans les réunions publiques d'ordre politique et les cérémonies officielles ;

4° La parodie, le pastiche et la caricature, compte tenu des lois du genre.

Ce dernier point est assez essentiel. Ainsi, dans le domaine du logiciel, la plus grande partie des licences d'utilisation précisent surtout tout ce que vous n'avez pas le droit de faire ! Ce qui est inutile (voire stupide), puisque si il n'est pas précisé que vous avez le droit de, par exemple, copier le logiciel pour un ami, c'est que vous n'en avez pas le droit, tout simplement?

Malheureusement, cette « manie » a des conséquences beaucoup plus néfastes pour le consommateur. En effet, il arrive souvent que des licences vous interdisent certains droits qui vous sont garantis par la législation⁽¹⁾ ! De telles conditions sont légalement sans valeur, mais trop de gens l'ignorent.

2. Du Domaine Publique au gauche d'auteur

2.1 Le Domaine Publique

Le Domaine Publique est un cas légal spécifique dans la législation des droits d'auteur : placer une œuvre de l'esprit dans le domaine publique, c'est renoncer à l'exclusivité de ses droits sur celle-ci. En résumé : tout le monde peut faire ce qu'il veut de cette œuvre, et non plus seulement vous.

2.2 Simuler l'absence de droits d'auteur

Nous allons maintenant essayer de répondre à la question posé en introduction. Comment créer un système où le droit d'auteur semble ne pas exister ? À priori, on pourrait penser que le Domaine Publique répond à nos besoin, n'est-ce pas ? Mais il n'en est rien !

En effet, parmi les droits d'utilisation d'une œuvre de l'esprit se trouvent les droits de redistribuer librement des versions modifiées ou non de celle-ci (gratuitement ou non). Or, dans le cadre du Domaine Publique, il nous est possible de modifier une œuvre placée dans le Domaine Publique, et de la redistribuer sans placer cette nouvelle version dans le Domaine Publique. Nous pourrons donc nous réserver certains droits sur cette version modifiée.

Pour voir en quoi cela pose problème, imaginons ce qui se passerait si les droits d'auteur n'existaient pas. Une personne A crée une œuvre de l'esprit, qui n'existe qu'à travers un support physique. Prenons l'exemple d'un roman qui n'existe qu'à travers un livre, couvert de caractères. Comme les droits d'auteur n'existent pas, la personne ne peut que vendre son livre, sans limiter les droits d'utilisation de l'œuvre de l'esprit, puisque ce concept n'a même pas d'existence légale. L'acheteur, même si on lui a interdit de revendre le livre, peut faire une copie, exacte ou non, du contenu, et vendre cette copie à une tierce personne, qui peut en faire de même ?

On constate alors que personne, à aucun moment, ne peut limiter l'usage de toutes versions, modifiées ou non, d'une œuvre de l'esprit. Chose qui est possible avec une œuvre placée dans le domaine publique. Alors, que faire ?

Le problème étant clairement posé, la réponse est évidente : il suffit de distribuer un logiciel selon une licence qui autorise tous les usages, sauf en ce qui concerne la redistribution. La licence devant stipuler qu'il n'est autorisé à redistribuer l'œuvre qu'à la condition d'accorder les mêmes droits à l'acheteur, c'est-à-dire selon les termes de cette même licence. On constate alors que tout se passe, pour cette œuvre particulière, comme si les droits d'auteur n'existaient pas.

2.3 Le gauche d'auteur et la licence « GPL » (le gauche d'auteur : un droit d'auteur inversé, et non une absence de droit)

L'exemple classique de licence de gauche d'auteur est la « GNU Public License », ou GPL, dont vous pourrez trouver une traduction ici. Cette licence a été créé pour le projet GNU, et a été spécifiquement développé pour distribuer des logiciels, même si on peut l'utiliser pour distribuer d'autres œuvre de l'esprit. Son apparente complexité est surtout du à la volonté de satisfaire les esprits « tordus » des avocats ;-) Le point important que nous retiendrons ici est que cette licence ne se contente pas de vous obliger à redistribuer le logiciel selon les termes de cette même licence, si vous désirez le redistribuer, mais que vous devez tenir à disposition de l'acquéreur les sources de votre logiciel, si celui-ci les désire.

La justification pratique est la suivante : il est quasi-impossible de modifier un programme (liberté théoriquement prévue par la licence) sans avoir les sources de celui-ci. De plus, si vous distribuez un logiciel avec les sources, vous pouvez vouloir récupérer les versions modifiées par autrui de votre logiciel avec les sources également.

Nous voyons ainsi apparaître la possibilité de créer un cadre où c'est le vendeur qui a des obligations envers l'acheteur, et non pas l'acheteur qui a des obligations envers le vendeur (ce qui revient pour celui-ci à être privé de certains droits). C'est le gauche d'auteur ! Un autre exemple de licence de gauche d'auteur est la FDL, adapté aux documentations.

Nous noterons, pour finir, que la GPL ne vous interdit pas de redistribuer selon la licence qui vous convient ce que vous avez créé avec le logiciel.
Exemple : vous pouvez faire ce que vous voulez du texte créé avec votre traitement de texte distribué selon la GPL, mais il n'en est pas de même pour la redistribution du logiciel en lui-même.

Conclusion

Nous pouvons considérer que nous avons atteint notre objectif : « annuler » le droit d'auteur dans le cadre d'une œuvre de l'esprit particulière. Et, au delà, nous avons ouvert la voie vers un droit d'auteur inversé, appellé malicieusement le gauche d'auteur⁽²⁾.

Nouveau lien : Licence GPL ou Licence Publique Générale (en Français)

idoric (dernière mise à jour sur le fond : 2001-09-17)

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(1) Dans la pratique, le cas est très courant, et n'est pas toujours le fruit d'une volonté de tromper le consommateur. Trop souvent, la licence d'utilisation n'est que la traduction en français de la licence d'origine, où les droits d'auteur sont différents.

(2) En anglais, le même mot de jeux existe. En effet, on considère le « copyleft », en opposition avec le « copyright ».

Dernière mise à jour : 30/10/2006 à 16:56